Depuis 10 ans, Stéphane Montangero est secrétaire général de Fourchette verte Suisse. Petit questionnaire à l’occasion des 25 ans du lancement du label de l’alimentation équilibrée, fêté le 7 octobre prochain.

Fourchette verte a été lancée il y a 25 ans, vous avez atteint l’âge adulte ?
Oui et non. Nous avons en tous les cas bien grandi depuis le lancement le 20 décembre 1993 à Genève. Nous comptons aujourd’hui 17 cantons membres de notre fédération, créée en 1999. Et si la Suisse latine est adulte, le label est très jeune encore en Suisse alémanique.

Quels ont été les principaux changements ?
Le label a été créé à la base pour les cafés restaurants. Il comportait quelques aspects « révolutionnaires », comme de demander un espace sans fumée. On peut mesurer le chemin parcouru depuis. Et nous proposons aujourd’hui 7 déclinaisons du label, des tout-petits aux seniors.

Quoi d’autre ?
Très vite, les pouvoirs publics se sont rendu compte du fort potentiel d’une mesure structurelle en matière d’alimentation, plus précisément en restauration collective, et pour les plus jeunes. Ainsi, un enfant dans une crèche labellisée Fourchette verte, c’est la garantie d’une nourriture équilibrée, quelle que soit l’origine socio-culturelle de l’enfant. Ainsi, les petits vont se créer une bibliothèque, non seulement des goûts, mais aussi des proportions.

Qu’entendez-vous par mesure structurelle ?
Une mesure structurelle vise à modifier l’environnement direct pour le rendre favorable au but recherché. Quand on a voulu diminuer les « saouleries express » (binge drinking) des jeunes, une des mesures structurelles prises a été de réduire les horaires de vente d’alcool à l’emporter. Au niveau nourriture, le fait d’offrir systématiquement un repas équilibré dans les crèches / écoles ou de transformer les distributeurs de friandises/chips en automates à pommes sont deux manières de faire évoluer l’environnement vers un mode plus sain.

Nous sommes dans un monde qui bouge extrêmement vite. Comment votre action suit-elle ces tendances ?
Nous nous sommes employés à précéder ces tendances. Par exemple avec l’obligation cafés-restaurants de fournir des boissons sans alcool à prix abordable ou d’exiger des espaces non-fumeurs. Ou lorsque nous avons demandé de systématiquement trier les déchets organiques. Pour le futur, nous déployons depuis 2016 Fourchette verte – Ama terra, soit le volet additionnel « développement durable » de notre label, venant en plus des critères strictement nutritionnels.

Vous pouvez nous en dire davantage ?
Depuis quasi ses débuts, Fourchette verte recommande de calquer les menus au calendrier des saisons et de privilégier, lorsque cela est possible, les produits bios ou issus d’une agriculture raisonnée. Avec le développement de FV – Ama terra, nous avons pu franchir un pas et passer de la recommandation à l’exigence. Et de pousser plus loin l’ensemble des aspects du développement durable non seulement dans l’assiette, mais aussi autour, tout en préservant bien sûr l’équilibre alimentaire dans les assiettes. Si chaque canton reste libre de choisir l’un ou l’autre, nous sentons que Ama terra a un bel avenir devant lui.

Quelques esprits chagrins disent que « Fourchette verte », c’est compliqué, trop cher, trop… Juste ou faux ?
Il y aura toujours des personnes estimant que nos critères sont trop durs et d’autres qui voudraient les renforcer encore. Pour notre part, nous privilégions une approche terrain pragmatique, avec un accompagnement solide. C’est ce dialogue qui est important pour que les lieux labellisés Fourchette verte se sentent à l’aise. Par ailleurs, nous avons entamé une démarche visant à simplifier au maximum nos critères, en ne cédant en rien à la qualité, en les calquant 1/1 sur ceux de la SSN. Pour ce qui est des coûts, comme l’assiette idéale Fourchette verte se compose de ½ de légumes, 1/3 de féculents et 1/6 de protéines, cela a automatiquement une incidence à la baisse sur le prix de l’assiette.

Fourchette verte est active dans la restauration collective. Ne devrait-elle pas sortir de ce cadre et par exemple s’adresser aux parents, aux familles ?
Nous le faisons déjà. Fréquemment des soirées à l’attention des parents sont organisées par les sections cantonales, par exemple à l’occasion de la remise du label à un établissement. Notre nouveau site internet (www.fourchetteverte.ch ) met également une série de recettes ou de trucs utiles à disposition. Nous entendons développer toujours plus ces aspects, tout en restant bien entendu prioritairement actifs dans le domaine de la restauration collective.

Fourchette verte, cela signifie quoi en quelques chiffres ?
Nous avons plus de 1600 établissements labellisés, dont 1190 pour les moins de 16 ans. Cela fait 117’295 menus Fourchette verte servis chaque jour partout en Suisse. Nous avons 17 sections cantonales et pour faire fonctionner le tout 195% de temps de travail. Nous avons aussi un comité bénévole que je remercie vivement pour son implication et tout comme notre présidente, Mme la Conseillère d’Etat Anne-Claude Demierre, ministre de la Santé du canton de Fribourg.

Et pour finir, une question plus personnelle : quel a été l’événement le plus marquant et/ou ta plus grande fierté ?
L’évènement le plus marquant a sans doute été l’incendie de nos bureaux il y a 10 ans, qui avait quasi tout détruit, sauf les documents électroniques, fort heureusement. Ma plus grande fierté, c’est de savoir que Fourchette verte œuvre dans la durée, alors que ce monde veut aller au « tout, tout de suite ». C’est de savoir que, dans plusieurs années, nous pourrons constater combien cette mesure structurelle a un impact sur la manière de manger des futurs adultes. Et je ferai tout mon possible pour qu’elle perdure, en évoluant avec son temps, mais en gardant ses fondements.